Les chrétiens et le monde




Par un Moine du Barroux, La Nef, n°188, décembre 2007

Le chrétien est dans le monde sans être du monde. Une distinction qui mérite toujours d’être rappelée tant on a tendance à confondre ces deux acceptions du mot « monde » dans l’Evangile.

On entend souvent parler des chrétiens et du monde, de l’esprit du monde, de l’ouverture de l’Eglise au monde, ce dernier thème étant fort à la mode au temps du dernier Concile et ayant entraîné bien des confusions et des malentendus.
Mais dans la pensée des papes qui parlaient de cette ouverture au monde, il n’y avait aucune ambiguïté. Il ne s’agissait nullement pour eux de se compromettre avec le monde que Notre-Seigneur condamne vigoureusement dans l’évangile se Saint Jean, en particulier dans le grand discours d’adieux du Jeudi Saint.
« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï le premier. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait ; mais vous n’êtes pas du monde : c’est moi qui vous ai mis à part du monde et voilà pourquoi le monde vous hait » (Jn 15, 18-19).
« Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).
« Je vous enverrai l’Esprit-Saint. Une fois venu, il confondra le monde. Il prouvera que le monde est coupable de péché ». Et encore : « le monde est condamné, son prince (Satan) est vaincu » (Jn 12, 31).
Ces paroles vigoureuses de Notre-Seigneur aux apôtres lors de son discours d’adieux, après la Cène, nous montrent l’antagonisme de deux  puissances : l’Esprit-Saint contre le monde.

Mais quel est ce monde ?

Disons d’abord qu’il ne s’agit pas de la Création. Le monde créé par Dieu est bon. Dieu a déjà porté un jugement sir ce monde : il l’a trouvé bon. Beau et bon. Le mal vient quand l’homme abuse de cette création.
   Il ne s’agit pas non-plus de l’Humanité dans son ensemble. 
Non, le monde dont parle Notre-Seigneur ici, est ce monde pour lequel il a refusé de prier (Jn 17, 19). Ce monde, dont le maître est le diable, est la coalition de toutes les forces qui conspirent contre le Royaume de Dieu.
   Ces forces se sont déchaînées contre Jésus : haine, arrivisme, veulerie des chefs, trahison des amis, et encore, égoïsme, sottise, peur… Elles avaient un visage, un nom : Hérode, Caïphe, Pilate, Judas, les Pharisiens, la foule. La foule cruelle, versatile, indifférente, manipulée.
     Cette liste de noms se continue jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, le monde, c’est la culture de la mort, ce sont toutes les forces de destruction de l’homme, de la famille, de la Raison, de la vraie foi. Le monde, c’est cette hypocrite dictature universelle, qui se fait appeler démocratie et où toutes les opinions ont droit de cité, mais pas la Vérité du Christ, laquelle est étouffée, déformée, combattue…
     Le monde, c’est ce formidable déploiement d’énergie employé à pervertir et à avilir l’homme en l’abaissant au niveau des plus ignobles passions. Le monde, où l’argent est le roi absolu, avec pour reine, l’injustice.
Ce n’est pas exagéré. Ouvrez seulement les yeux. Ouvrez un journal, ou allumez la télévision. Vous voyez partout cette monstrueuse comédie humaine où l’on ment à qui mieux mieux.
   Eh bien ! Ce monde-là, Jésus nous le dit, il est jugé. Jugé et condamné par Dieu-Esprit-Saint.
Voilà une vérité qu’il faut réaffirmer.

Mais nous, chrétiens ? Quelle doit être notre attitude ? Il y en a deux principales.
D’abord, il n’y a pas à se poser de questions : nous sommes les disciples du Christ, les temples de l’Esprit-Saint, et nous sommes appelés nous aussi à condamner et à juger ce monde, comme Notre-Seigneur l’a fait. Ne nous trompons pas de camp !
   Pitoyable chrétien celui qui n’aurait pas conscience de l’incompatibilité entre l’idéal de l’Evangile et les systèmes en place dans le monde. Ce n’est pas parce que ces systèmes sont passés dans les mœurs universelles qu’ils cessent d’offenser la justice divine. Attention ! Il y a un risque réel d’être pris dans l’engrenage, au point d’être contraint à des gestes, ou que nous adoptions nonchalamment des attitudes que l’Evangile réprouve. Le pire des malheurs, c’est que la conscience chrétienne ne s’insurge plus.

Nécessité du discernement

Voilà la première attitude du chrétien : un rejet sans appel du monde, de ce monde qui est contre Dieu.
     Car prenons garde de ne pas condamner sans discernement toute la société dans laquelle nous vivons. Il y a des bons dans le monde. Et Notre-Seigneur est bien venu pour sauver ce monde-là : « Je ne suis pas venu pour condamner le monde, mais pour sauver le monde » (Jn 12, 47). 
   Bons et mauvais se côtoient sans ce monde. Il ne s’agit pas d’appeler à la révolte, mais de montrer l’exemple du bien et de l’édification en remplissant notre devoir dans la société, du mieux possible, et en nous sanctifiant réellement. Car il ne suffit pas de poser quelques gestes religieux pour avoir une vie vraiment chrétienne. Ainsi les chrétiens doivent agir comme le levain dans la pâte : leur action, tout en douceur, contribue à soulever le monde vers Dieu.
     De là découle la deuxième attitude du chrétien face au monde, il en faut user comme n’en usant pas, c’est-à-dire ne pas s‘y attacher. Le chrétien est comme un papillon, c’est un être davantage fait pour le ciel que pour la terre : le papillon ne se pose qu’autant qu’il lui est nécessaire, et encore ne se pose-t-il que sur des fleurs. Si le papillon se vautre dans la fange et est englué dans la boue, il trahit sa nature.
Nous sommes dans le monde, mais pas du monde. Saint Pierre dans sa première épître nous rappelle que nous sommes des pèlerins et des étrangers sur cette terre d’exil. Notre vraie Patrie, le but de notre vie, c’est le Ciel et la Vision de Dieu.

     Concluons ce bref exposé par deux citations du pape Jean-Paul II, qui nous éclaireront et affermiront nos convictions :
« Le christianisme, dit-il, n’est pas un simple livre de culture ou bien une idéologie, ni seulement un système de valeurs ou de principes, si élevés soient-ils. Le christianisme est une personne, une présence, un visage : c’est Jésus, qui donne sens et plénitude à la vie de l’homme. N’ayez pas peur de rencontrer Jésus : avec attention et disponibilité, cherchez-le ! »
   Une vraie vie d’union au Christ, la vie intérieure, voilà la première des armes contre royaume de Satan.
Et encore cette autre citation, surtout pour les plus jeunes : « N’ayez pas peur d’aller à contre-courant, de rejeter les idoles du monde, lorsqu’il s’agit de témoigner par une conduite courageuse de l’adhésion au Christ, chaste et pauvre. Sachez toujours valoriser et aimer la pureté et la virginité. »

    Ainsi l’Esprit-Saint doit créer en nous une liberté souveraine et joyeuse qui méprise ce monde si vieux, si laid, si mesquin, si prétentieux, si bête.
En fin de compte, l’humanité se divise en deux : le Royaume de l’Esprit – et le monde.

A nous de choisir. A vous de choisir.
Chrétiens, c’est à nous de juger le monde !




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire