La figure de saint Louis, à la fois roi et saint, est le symbole du
Moyen-Age chrétien. Né en 1214,
l’année où son grand-père Philippe Auguste renforçait l’unité nationale à
Bouvines, Louis IX fut sacré roi à 12 ans, suite au décès de son père Louis
VIII. Sa mère, Blanche de Castille, se chargea de la régence jusqu’à sa
majorité en 1235, mais elle garda toujours une certaine influence sur lui.
Pendant les 35 de son règne, jusqu’à son décès en 1270, l’œuvre de saint Louis
a été colossale : combattre l’hérésie albigeoise, assurer la paix durable
en Occident, organiser deux croisades, et réformer l’organisation du
Royaume.
Il a été
canonisé assez rapidement après son décès, en 1297, par le pape Boniface VIII.
Sainteté du roi
Même s’il n’est pas nécessairement
besoin d’être saint pour mener une politique vraiment chrétienne, la sainteté
personnelle du roi Louis IX fit qu’une saine collaboration entre l’Eglise et
l’Etat a pu se réaliser pendant son règne. Saint Thomas enseigne en effet que
le chef se doit de posséder toutes les vertus s’il veut être garant du bien
commun politique de son pays. Mais posséder toutes les vertus ne se peut sans
la grâce divine que donne l’Eglise catholique. Le roi se doit donc d’en être le
premier fidèle.
Le premier trait qui caractérise
saint Louis est sa piété : il assiste à la messe au moins une fois par
jour, se lève pour assister aux offices, et montre une grande dévotion, qui le
poussa à se croiser.
Mais de nombreuses autres vertus
ornent son âme : il prend un soin particulier à s’occuper des pauvres, les
servant, soignant et lavant lui-même ; par des confessions régulières et
d’importants efforts, il combat chaque jour ses défauts, en particulier son
tempérament colérique, et garde toujours la juste mesure entre humilité et
grandeur royale.
Sa foi solide est nourrie par
l’étude des livres saints et des enseignements de l’Eglise. L’horreur du péché
le hante : « Il n’y a si vilaine lèpre comme celle d’être en péché
mortel. » Ainsi toute sa vie reflète l’amour de Dieu. Enfin, sa mort près
de Tunis est exemplaire comme en témoigne sa dernière parole le configurant au
Roi des rois : « Père, je remets mon âme entre tes mains ».
Un gouvernement temporel fondé sur la
justice et la paix
Toute la
politique du roi fut marquée par le souci de maintenir la justice ainsi que la
paix intérieure et extérieure. Tel était son premier devoir et c’est ainsi
qu’il assura le bien commun temporel de son Etat.
L’image, laissée à la postérité par
Joinville, de saint Louis rendant la justice sous un chêne, nous montre le roi
comme véritable sommet de l’autorité judiciaire. S’il la déléguait usuellement
à ses magistrats, il n’hésitait pas à en reprendre le contrôle, si nécessaire,
pour la corriger. Son souci de la justice fut permanent, à tous les échelons,
comme le montrent ses ordonnances de 1254 et 1246.
Cette justice s’appliquait à tous, y
compris les grands. Ainsi infligea-t-il au sire de Coucy une lourde amende et
supprima-t-il sa juridiction pour avoir fait pendre sans jugement trois
jouvenceaux égarés dans un de ses bois.
Au niveau politique, il s’employa à
faire régner l’ordre et la paix dans son royaume, tant et si bien qu’on
l’appelait pour effectuer la médiation des conflits : « Ce fut
l’homme du monde qui travailla le plus pour mettre la paix entre ses
sujets ». Ainsi, il fut amené à régler nombre de querelles de territoires.
Mais c’est surtout en cherchant à insuffler un esprit chrétien dans les mœurs
que saint Louis propagea la paix au royaume de France. Ses Ordonnances
sanctionnèrent diverses pratiques contraires aux Commandements. Au retour de
croisade en 1254, il réprima sévèrement les blasphèmes, dont il avait
horreur : « je voudrais être marqué d’un fer chaud à condition que
tous les vilains jurements fussent ôtés de mon Royaume ». Il lutta aussi
contre l’immoralité : adultère et fornication furent mis hors-la-loi, et
le viol puni de mort. Il interdit les jeux de hasard et d’argent, et réserva
l’usage des tavernes aux voyageurs. Il règlementa sévèrement l’usure. Il voulut
même interdire complètement la prostitution, mais ses conseillers lui firent
comprendre qu’il était impossible de l’éradiquer complètement sans déchaîner de
grands maux. Il se contenta alors de la limiter en enfermant toutes les
prostituées dans des maisons particulières pour empêcher toute publicité. Par
cet acte, saint Louis fit preuve d’un indéniable esprit de réalisme et montra
comment il est possible, en cas de nécessité, d’adapter la doctrine à la réalité
sans en sacrifier les principes.
Sa politique extérieure reflète
également ce souci d’établissement de la paix : témoin de ce don qu’il a
fait au roi d’Angleterre, par le Traité de Paris (1259), de terres auxquelles
il avait droit, afin de fortifier la paix entre les deux pays ; ou encore
la paix scellée avec l’Aragon avec le Traité de Corbeil (1258). En fait,
lorsqu’une affaire venait diviser les pays chrétiens, il tentait toujours de
trouver une solution pacifique, convaincu que la guerre est, généralement,
péché contre la charité. Saint Louis a d’ailleurs peu guerroyé. Respecté par
ses vassaux et les princes voisins, il a toujours cherché à conserver la paix.
Néanmoins, lorsque la guerre se présenta, il se montra un chef courageux –
comme à Taillebourg ou à la Mansourah – et avisé, préparant avec soin la
logistique et faisant construire des fortifications. Par son courage, sa
générosité, sa pureté, il fut un modèle de chevalerie.
Un gouvernement temporel au service
de l’Eglise
Saint Louis se disait « premier
sergent de Dieu ». Comme tous les souverains européens de l’époque, le roi
était le chef d’un Etat « baptisé », c’est-à-dire officiellement
catholique, où les lois étaient conformes à la foi et à la morale chrétiennes.
L’Eglise eut véritablement une place d’honneur au sein du Royaume et saint
Louis veilla tout particulièrement au respect de ses membres. Ce fut l’un des
principes qu’il inscrivit dans ses Enseignements, destinés à son fils Philippe
III « Tu dois les [les hommes d’Eglise] honorer et les protéger afin
qu’ils puissent faire le service de Notre Seigneur en paix ». Conformément
à l’engagement pris lors de son sacre, il veilla particulièrement à faciliter
l’œuvre sanctificatrice de l’Eglise. « Il commença à édifier des églises
et plusieurs maisons religieuses, entre lesquelles l’abbaye de Royaumont
l’emporte en beauté et en grandeur », dit Joinville. Ses fleurons furent
nombreux et parmi eux, on peut citer la Sainte-Chapelle, construite en 1248,
pour accueillir les reliques de la Passion.
Mais le couronnement de
l’action de saint Louis dans le domaine spirituel est sans aucun doute la croisade. A la suite d’un vœu, il partit une
première fois en 1248 pour délivrer le tombeau du Christ. Ce fut l’échec
dramatique, l’emprisonnement en Egypte, la rançon… Mais une fois délivré, il
passa quatre ans en Terre Sainte pour en organiser la défense par des
constructions mais aussi par une diplomatie audacieuse et efficace. Il partit
une seconde fois en 1270, et trouva près de Tunis, la maladie puis la mort sur
un lit de cendres. Ces expéditions militaires ont surtout eu pout saint Louis
un bit religieux ; à la veille de
sa mort, il souhaitait si ardemment la conversion des musulmans qu’on
l’entendait dire : « Essayons, pour l’amour de Dieu, de faire prêcher
et d’implanter la foi catholique à Tunis », rapporte Geoffroy de Beaulieu.
Il était d’ailleurs parvenu à en faire baptiser.
Saint Louis, à la fois roi et
saint, a réussi cette tâche compliquée de perfectionner les institutions
politiques du Royaume et de les rendre ainsi propices pour mener son peuple à
la sainteté.
La bonne application des
enseignements de l’Eglise, par contrecoup et avec la grâce divine, fut la
source d’une prospérité et d’une paix uniques dans l’histoire. Les conditions
actuelles du monde contemporain ne permettent pas de suivre cet exemple tel
quel, mais la preuve est donnée que l’application des principes politiques
de la doctrine catholique favorise le bien commun de l’Etat.
« Réalisation pratique du Règne social du
Christ : Saint Louis et Salazar » Savoir
et servir n°72, p.113 et suivantes.
NB :
Saint Louis s’est marié en 1234 avec Marguerite de Provence, fille du comte de
Provence. Dès lors l’histoire de la Provence a été très liée à celle du Royaume
de France, et ce jusqu’à son union avec le Royaume en 1487.